L’HISTOIRE. La société d’intérêt collectif agricole (Sica) des Bons raisins exerçait une activité de mise en bouteilles et de conditionnement de vin pour le compte de ses membres viticulteurs. Elle avait réalisé des investissements importants pour moderniser les cuves et l’installation d’embouteillage, dont ses adhérents appréciaient la praticité. Aussi, quelle n’avait pas été leur surprise de voir la coopérative faire l’objet d’une demande de paiement par l’administration fiscale de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour 2010. Puisqu’elle prolongeait l’activité agricole de ses membres, ne devait-elle pas bénéficier de l’exonération réservée aux exploitants agricoles par le code général des impôts ?

LE CONTENTIEUX. Faute d’accord avec l’administration fiscale, le tribunal administratif avait été saisi. La coopérative s’arguait de l’article 1 450 du code général des impôts, précisant que « les exploitants agricoles sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises ». Cette exonération devait lui profiter. Elle avait bien pour objet de gérer des installations et d’assurer des services dans l’intérêt de ses membres viticulteurs. Pour consolider davantage sa défense, elle invoquait l’article L. 311-1 du code rural, qui répute agricole toute activité exercée par un agriculteur, qui est dans le prolongement de l’acte de production. Aussi, en proposant une prestation de mise en bouteilles et de conditionnement, la Sica pouvait être assimilée à un exploitant agricole au sens du code général des impôts et être exonérée de l’impôt foncier.

L’administration fiscale ne l’entendait pas ainsi. La Sica n’avait pas la qualité d’agriculteur et ses locaux constituaient un établissement industriel, de nature à l’assujettir à la CFE. Les juridictions du fond avaient suivi ces derniers arguments. La coopérative n’exploitait aucun domaine agricole et son activité d’embouteillage et de conditionnement ne s’inscrivait pas dans le cycle biologique complet de production de vin. Il n’y avait pas lieu à décharge des cotisations.

Mais devant le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi par la Sica, le débat s’est cristallisé autour de l’article L. 311-1 du code rural, définissant l’activité agricole. Les juges du fond auraient dû rechercher « si l’activité d’embouteillage et de conditionnement exercée par la coopérative ne constituait pas le prolongement normal des opérations agricoles de ses membres ». À l’évidence, cette recherche aurait conduit les juges à constater que la Sica pouvait revendiquer la qualité d’exploitant agricole, au sens du code général des impôts. Dans la mesure où elle constituait le prolongement de l’exploitation de ses adhérents, la coopérative pouvait bénéficier des exonérations fiscales réservées à ces derniers.

L’ÉPILOGUE. Devant la juridiction de renvoi, la Sica des Bons raisins pourra faire valoir sa qualité d’agriculteur et obtenir la décharge des cotisations fiscales réclamées. Les sommes versées à ce titre lui seront remboursées.