Yvelines : sur les traces d’Auguste Renoir, 100 ans après sa mort

Des hommages sont rendus au peintre qui avait ses habitudes dans le département à l’occasion de cet anniversaire.

 Chatou. Durant l’été 1880, le Déjeuner des Canotiers, ici présenté par Anne Galloyer, conservateur du Musée Fournaise,  occupait Renoir sur l’île des impressionnistes.
Chatou. Durant l’été 1880, le Déjeuner des Canotiers, ici présenté par Anne Galloyer, conservateur du Musée Fournaise, occupait Renoir sur l’île des impressionnistes. LP/Thibaut Chéreau

    Les rayons du soleil traversent les persiennes et les discussions des habitués du restaurant se font déjà entendre au rez-de-chaussée. Nous sommes un matin de l'été 1880. Pierre Auguste Renoir, 39 ans, loue une petite chambre à la Maison Fournaise, une guinguette à la mode sur l'île de Chatou.

    Depuis qu'il fait beau, le peintre n'a plus qu'un projet en tête. Il veut réaliser une grande toile qui met en scène les jeunes gens qui viennent canoter sur la Seine. « Impossible d'aller à Paris à cause de mon tableau », a-t-il récemment écrit à un marchand d'art qui souhaitait le voir. Ce fameux Déjeuner des canotiers, deviendra plus tard l'une de ces œuvres les plus emblématiques.

    Chatou. La guinguette où séjournait Renoir existe encore./     Le Parisien
    Chatou. La guinguette où séjournait Renoir existe encore./ Le Parisien LP/Thibaut Chéreau

    Cela fait dix ans que Renoir connaît la boucle que forme la Seine quand elle quitte Paris. Attiré par la nature, il prend régulièrement le train pour Argenteuil (Val-d'Oise) ou Chatou pour profiter des paysages de la campagne. En 1869, il peignait déjà les bourgeoises parisiennes qui venaient se promener en barque à la Grenouillère, une autre guinguette à Croissy-sur-Seine. Ami avec Claude Monet, il accompagne souvent celui qui s'intéresse à l'eau et à ses reflets. Renoir fera d'ailleurs son portrait à Argenteuil en 1873.

    « C'est grâce à Renoir que Chatou est connue »

    Cette partie du département de la Seine-et-Oise, aujourd'hui les Yvelines, correspond tout à fait à ce que veut peindre Renoir. « Il se déplaçait beaucoup, explique Anne Galloyer, conservateur du musée Fournaise, à Chatou. Plus qu'aux paysages, Renoir s'intéressait aux gens. »

    La mode du canotage et des déjeuners champêtres prend fin au début du XXe siècle. L'hôtel-restaurant de la famille Fournaise ferme puis tombe en ruine. Ce n'est que dans les années 1980 que la municipalité et une association réhabilitent peu à peu les lieux. « C'est la dernière trace d'un bâtiment lié aux impressionnistes dans le Val-de-Seine, assure Eric Dumoulin, maire (DVD) de Chatou. C'est grâce à Renoir que la ville est connue dans le monde entier. » Redevenue un restaurant en 1990, la Maison Fournaise s'apprête à fermer pour une année de travaux.

    « Tous nos clients veulent manger sur le balcon de Renoir, soupire Peter Ruiter, le gérant de l'établissement. Il faut garder le sourire, même si certains annulent quand il pleut ou se préoccupent plus du lieu que de ce qu'il y a dans l'assiette. »

    Après son Déjeuner des canotiers, Renoir s'est peu à peu lassé de la Maison Fournaise. Il part alors en voyage en Italie. Influencé par les tableaux de la Renaissance, le peintre change son style et s'éloigne de l'impressionnisme. Installé un temps en Champagne, Pierre Auguste Renoir meurt il y a 100 ans, le 3 décembre 1919 à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Un siècle plus tard à Washington (Etats-Unis), ou est exposée l'œuvre qui l'a tant occupé tout l'été 1880, le souvenir d'une journée de fête au bord de la Seine est lui bien vivant.

    Trois questions pour comprendre le Déjeuner des canotiers

     Déjeuner des canotiers
    Déjeuner des canotiers LP/Thibaut Chéreau

    Anne Galloyer, conservateur du musée Fournaise, à Chatou.

    Est-ce une œuvre impressionniste ?

    Renoir refusait de se dire impressionniste. Quand il a peint le Déjeuner des canotiers, son objectif était de le présenter au Salon de peinture et de sculpture, l'un des événements culturels parisiens majeurs à l'époque. Quand il a su que le marchand auquel il avait vendu le tableau allait finalement le présenter à la Septième exposition impressionniste il était profondément déçu. Ce tableau est ambitieux car il montre toutes les techniques que maîtrisait Renoir. Il y a d'un côté des touches colorées avec les aliments sur la table, les vêtements, les joues des personnages. De l'autre, il y a des visages à l'anatomie classique, minutieuse. C'est ce contraste qui montre tout le talent de Renoir.

    Pourquoi une telle célébrité ?

    Parce que la scène parle aux spectateurs. Elle montre la jeunesse qui s'amuse dans un endroit à la mode. On peut se promener dans cette œuvre, imaginer les conversations. Pas besoin d'avoir des clés de lecture comme pour les œuvres qui ont pour thème la religion ou la mythologie : on regarde et on comprend. Pour moi, ce tableau est l'un de ceux qui représentent le mieux l'art de vivre français. Un repas qui se prolonge, un groupe d'amis qui refait le monde, c'est très français et c'est ce qui a plu aux Américains après l'arrivée du tableau aux Etats-Unis en 1922.

    Qui sont les personnages ?

    Difficile à dire avec certitude. Certains ont tenté de tous les identifier mais je ne suis pas convaincue. Il y a vraisemblablement le fils du propriétaire de la maison qui se tient contre la rambarde, Hippolyte Fournaise. Il y a aussi Aline Charigot, la future femme du peintre, au premier plan à gauche. Renoir a donné plus ou moins les mêmes traits aux femmes du tableau. C'est une astuce pour créer de l'harmonie et dans le fond ça a peu d'importance car la scène est universelle.

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