Cubafonía, de Cuba au monde

La chanteuse cubaine Daymé Arocena, découverte par le producteur Gilles Peterson, sort son premier album cubain : « Cubafonía ».

Malgré déjà trois enregistrements sur le label Brownswood, pour Gilles Peterson « Cubafonía » est le vrai premier album de Daymé Arocena, ce que la Cubaine confirme à Mundo Latino : « Cubafonía, c’est ma création. Et même si il n’est pas parfait, je l’adore. » « C’est comme un bébé », confie Daymé. « Je l’ai porté. » …pendant plus d’un an, le tout premier enregistrement ayant eu lieu en décembre 2015 « pour voir ce que ça pouvait donner. »

Daymé reconnaît s’être fait beaucoup aider. Par Gastón Joya, contrebassiste  en vogue (Chucho Valdés, Harold López-Nussa), véritable chef d’orchestre du projet et par Dexter Story, producteur multi-instrumentiste basé à Los Angeles. Daymé a fait également appel à Emir Santa Cruz, pour les arrangements des cuivres et Miguel Atwood-Ferguson pour les cordes. On retrouve au piano Jorge Luis Lagarza et l’incontournable percussionniste de Chucho Valdés Yaroldy Abreu.

Daymé avait une idée bien précise de ce qu’elle voulait, mais elle craignait que sa musique soit trop compliquée pour les non-Cubains. « J’avais besoin d’une personne qui aurait une vision internationale. Je savais que Dexter Story serait le meilleur, le meilleur pour réaliser ce que j’avais en tête. Il a une sensibilité africaine. » Les enregistrements ont eu lieu entre La Havane et Los Angeles, le mixage entre Los Angeles et Londres. ¡De Cuba para el mundo!

Daymé Arocena a décrypté pour Pour Mundo Latino ses cinq titres préférés de « Cubafonía ».

Eleggua, opéresque, cinématographique (le mélange musique populaire / classique lui donne un faux air de Diva du Cinquième Elément). Daymé est  fière des participations de la chanteuse lyrique Barbara Llanes et de Dreiser Durruthy Bombalé, le chanteur et joueur de batá de Chucho Valdés. « Eleggua regroupe toutes mes influences : classique, jazzy, africain. C’est pour ça qu’on l’a choisi pour débuter l’album. »

La Rumba Me Llamo Yo, entre rumba et dance. « C’est une chanson que j’ai rêvé. Je l’ai écrit pendant qu’on réalisait le documentaire sur la rumba. Elle est inspirée par Yemayá. C’est vrai que c’est très dancefull, mais où est là différence ? Cuba est le lieu de la danse. » Les propos de Daymé rejoignent la démarche de Gilles qui a confié le mix de Havana Cultura Rumba Sessions à des grands Djs de la scène dance.

Mambo Na’ Mà. « J’ai écrit cette chanson à la Nouvelle-Orléans. J’ai pensé aux second lines de la Nouvelle-Orléans. » Elle se met à claquer des doigts et fredonne un rythme noir-américain. « …ainsi qu’au mambo. Le roi du mambo était Pérez Prado, un Cubain. Le mambo fut la première musique cubaine jouée avec un big band. Le mambo vient du jazz ! C’est un lien très fort entre la musique cubaine et la musique noire américaine. »

Cómo. « Ça a été un combat. Mon label n’en voulait pas : trop pop, qu’ils disaient. Mais c’est de la pop cubaine. Juan Formell, Omara Portuondo, Elena Burke… Toute la génération des musiciens des années 70 est pop. » Elle fredonne l’introduction de Marilú de Los Van Van. « Busque la soledad Junto al mar me fui a vivir… C’est un des plus grands tubes de Cuba. Et vous me dites que c’est pop ? Bien sûr que c’est pop ! »

Valentine. « C’est un changüí, un rythme qui vient de la région de Guantanamo. Vous savez tout ce qu’il se passe à Guantanamo. Je voulais une chanson positive sur Guantanamo. Je l’ai écrit dans plusieurs langues : yorùbá, espagnol, français, anglais. J’ai lu des critiques de cette chanson à propos de mon accent. Vous savez, La Lupe est une de mes chanteuses favorites. Elle chantait en anglais avec son cœur cubain. Je ne veux rien faire d’autre. »

>> A lire : Le Questionnaire de Proust de Daymé Arocena

Sur la pochette, un peu Douanier Rousseau, de « Cubafonía », la coiffe de Daymé est constituée de fleurs de mariposa. Pendant la guerre contre l’Espagne, les femmes dissimulaient des messages dans leurs tiges pour les transmettre aux combattants en toute discrétion. Daymé a un message à transmettre au monde, celui de la musique cubaine. « C’est ma mission », conclut-elle dans un éclat de rire.

Propos recueillis par Yannick Le Maintec

Nouvel album : Daymé Arocena – « Cubafonía » (2017, Brownswood)

« Overflow », le tsunami Edwin Sanz


Après « San Agustín » en 2014, le multi-percussionniste vénézuélien Edwin Sanz sort son deuxième album, « Overflow ».

Il est entouré du pianiste britannique Alex Wilson (production) et du trompettiste vénézuélien Oscar Chucky Cordero  (direction musicale).

Parmi les invités, on retrouve Mike Lindup (Something About You), Nicky Brown (We are Blessed) et Naomie Phillips (I Put a Spell On You).

Un maelstrom dès les premières notes : We Are Blessed, gospel de Fred Hammond adapté par Nicky Brown est un hit de latin rhythm and blues tout simplement irrésistible, une entrée en matière puissante et efficace. Le temps d’une respiration, Ella, salsa romántica agradable aux jolies envolées cuivrées, Naomie Phillips prête sa soul puissante à une version salsifiée de I Put A Spell On You, le classique de Screamin’ Jay Hawkins. Ca décoiffe. On s’envole avec Something About You, merveilleuse recréation du tube de Level 42 par son auteur Mike Lindup. On ne remerciera jamais assez Edwin Sanz pour cette madeleine afro-cubaine. Fin de la face A ou de ce qui pourrait y ressembler. La suite renoue avec un style inauguré dans « San Agustín » : des salsas, Eres Tu, Como Olvidar, De Mujer a Mujer (sujet culotté s’il en est), romantiques à souhait, à peine interrompues par une ultime piste soul, un manifeste, Everybody Dance With Edwin Sanz. Yo Vengo De Venezuela, hommage à la musique vénézuélienne est un final en feu d’artifice.

Ce que j’aime dans « Overflow »

J’ai eu la chance d’assister à la création au London Latin Jazz Fest des deux titres-phares de l’album. We Are Blessed et Something About You, offerts à Edwin par le chef de chœur Nicky Brown impriment leur couleur musicale à « Overflow ». Avec Edwin Sanz, le latin soul est de retour, un latin soul moderne et explosif.

Ce que je n’aime pas dans « Overflow »

Certains choix esthétiques : Que la pochette est vilaine ! La reprise de I put A Spell On You, stéroidée à coup de reggaetón, est peut-être peu trop musclée à mon goût, même si elle trouve parfaitement sa place dans l’album. Dans le même ordre d’idée, la vidéo est un poil tape-à-l’œil. Des détails qui ne parviennent pas à gâcher le plaisir.

Ma conclusion

Yo Vengo De Venezuela, la conclusion d’« Overflow », semble faire écho à Con Todos Los Tambores, le titre qui avait ouvert « San Agustín ». La boucle semble bouclée, le dyptique complet. Edwin Sanz a trouvé son son, entre latin-soul moderne, salsa romántica et salsa venezolana. « Overflow » est le résultat de tout un processus créatif : le temps d’une dizaine de jours, le vénézuélien et ses copains musiciens ont trouvé refuge dans la Maison des Artistes d’André Manoukian sous la neige de Chamonix. Chacun y a mis de soi, une auberge latine, quoi ! Du folk (Rodrigo y Gabriela) au jazz (Malia), au rock (Steve Winwood), la réputation d’instrumentiste d’Edwin Sanz n’est plus à faire. Sa salsa, il la veut accessible et populaire. Edwin Sanz recycle les ingrédients du R’nB latino inventé par son mentor et ami Alex Wilson pour les accommoder à sa propre sauce. « Overflow » est un album parfaitement construit, dont le plaisir d’écoute ne faiblit pas, certainement l’album de salsa le plus enthousiasmant de ces derniers mois.

Yannick Le Maintec

« Overflow » a été élu meilleure production latine de l’année au Royaume-Unis. L’album de Edwin Sanz a été classé parmi les meilleurs albums de 2016 par Mundo Latino.

A LIRE
Au London Latin Jazz Fest, Alex Wilson livre sa vision d’une musique ouverte sur le monde

Edwin Sanz Salsa Orchestra

Vous avez aimé « Overflow » ? Vous allez adorer le live. C’est sur scène que l’orchestre d’Edwin Sanz prend toute sa dimension. Les deux albums « San Agustín » et « San Agustín » proposent un large éventail de titres soul, salsa, romantica, augmentés des tubes d’Alex Wilson : Show Me, Ain’t No Body, Higher Love.

Les cuivres sont tenus d’une main de fer par Chucky, le directeur musical, puissants sur la soul, lyriques sur la romantique. Au piano, frénétique et entraînant, Alex Wilson reprend la main sur les titres plus soul, accompagné à la basse par Dimitri Christopoulos. Côté percussions, Edwin fait le show sur les descargas qu’affectionnent les musiciens vénézuéliens. En front-line, la chanteuse britannique Naomie Philips, d’une part, Josbel et Rodrigo d’autre part, se répartissent chansons en anglais et chansons en espagnol. Josbel apporte sa touche romantique, Rodrigo l’énergie du reggaetón. Et le chœur soul ? Les deux mêmes, étonnants, presque féminins, s’acquittent de leur tâche à la perfection.

A l’automne dernier, le show, rodé au festival Toros y Salsa, eut l’effet d’une bombe au London Latin Jazz Fest, démontrant assurément que l’Edwin Sanz Salsa Orchestra était  l’un des meilleurs live-bands du moment.

YLM


Edwin Sanz : « Overflow » (2016) – Amazon, iTunes, Google Play, Spotify

La folle histoire de Fania All-Stars au Yankee Stadium

Le label Fania réédite en version remastérisée six albums essentiels de l’histoire de la salsa. Parmi ces trésors figure le double-album « Fania All-Stars Live at Yankee Stadium ». Comment ce concert est-il devenu mythique ? Et pourquoi la plupart des titres n’ont-ils pas été enregistrés au Yankee Stadium ?

On est au début des années 70. Quelques années plus tôt, l’alliance entre le businessman Jerry Masucci et le musicien Johnny Pacheco a donné naissance à Fania, le label qui a inventé la salsa. Inventé ? Réinventé. La salsa ou la musique cubaine réarrangée, urbanisée, réappropriée. La compagnie a son All-Stars, un super-groupe composé de ses meilleures signatures : Willie Colon, Larry Harlow ou encore Cheo Feliciano. Au fil des ans, la maison de disque va racheter ses concurrents, Tico et Alegre, intégrant ainsi les surdoués du latin-jazz Mongo Santamaria, Ray Barretto, Eddie Palmieri, attirer des grandes stars telles que Celia Cruz, et développer ses propres artistes comme Hector Lavoe.

24 août 1973. Les propriétaires de Fania veulent monter le plus grand concert de musique latine de tous le temps. Le lieu devra être prestigieux : le Yankee Stadium de New York. Comme on est au cœur de la saison, Masucci a garanti la pelouse pour la somme de 50.000$1. Le stade se remplit jusqu’à atteindre 40.000 personne1, du jamais-vu. La première partie verra se succéder une pléiade d’invités parmi lesquels La Típica 73, Mongo Santamaría2 et El Gran Combo de Puerto Rico. Au bout de 1H30 de concert, le speaker présentent les étoiles de Fania qui arrivent sous les holàs de la foule. Johnny Pacheco entame « Saludando señores con su ritmo tropical… Descarga de Bongo. » L’audience est chauffée à blanc, Pacheco annonce Harlow, démarre Congo Bongo. La battle entre les deux conguéros vedettes Mongo Santamaria et Ray Barretto fait rage, le public n’en peut plus, la scène est loin des gradins, il envahit la pelouse et déboule vers la scène. Le débordement est inévitable. Les spectateurs montent sur scène tandis que Pacheco continue à diriger l’orchestre sans s’apercevoir de rien. La police intervient, les musiciens sont évacués, le drapeau portoricain est brandi devant les caméras de Leon Gast. Le concert devient historique et Fania rentre dans la légende.

Le concert est rejoué quelques semaines le 13 novembre à San Juan, Puerto Rico, à l’inauguration du Coliseum Roberto Clemente. L’album double « Live at Yankee Stadium » est complété par les morceaux du second concert, tout comme le documentaire qui en est tiré. Le tour de passe-passe ne doit rien au hasard. Les enjeux étaient forts. L’objectif du concert était d’en faire un moment historique. Le film intitulé « Salsa ! » devait un être un marqueur, un témoignage d’une explosion musical. A sa façon, il l’a été. La Bibliothèque du Congrès états-unien a inscrit « Fania All-Stars Live at Yankee Stadium » sur la liste des cinquante enregistrements les plus importants culturellement.

fania-live-yankee

Y’a-t-il eu tentative d’entourloupe ? Certainement. Cette « grande farce », comme l’a appelé le blogueur Juan Ignacio Cortiñas, a fait couler beaucoup d’encre. Devant la transparence du livret actuel, on se dit que les nouveaux propriétaires de Fania ont pris le parti de considérer ce montage comme un élément de l’histoire. Le disque s’inscrit dans un tryptique comprenant « Live at Yankee Stadium » / « Latin Rock Soul » / « San Juan 73 », qui couvre peu ou prou les concerts de New York et de San Juan. Le Yankee Stadium marque également le début des tournées de la Fania All-Stars. Son exploitation a contribué à lancer, exploiter, diffuser la marque salsa. Le Yankee Stadium fait partie de la mythologie Fania au même titre que le Red Garter, le Cheetah Club ou encore le concert donné à Kinshasa à l’occasion du combat Ali/Foreman.

Du coup, dans « Live at Yankee Stadium », quels titres ont été joués à New-York ? Quels titres à San Juan ? Les morceaux effectivement enregistrés au Yankee Stadium sont Mi Debilidad  (Ismaël Quintana), Échate Pa’lla (Justo Betancourt), Hermandad Fania (Richie Ray et Bobby cruz), Pueblo Latino (Pete « Conde » Rodriguez). En 1975, l’album « Latin Soul Rock » contient les thèmes qui auraient dû être joués au Yankee Stadium. La face B présente trois lives : le cultissime El Ratón de Cheo Feliciano3 avec le fameux solo de guitare de Jorge Santana (frère de Carlos), le célèbre Soul Makossa de Manu Dibango joué à San Juan (le saxo camerounais était là à New York) et la version de Congo Bongo qui précipita la fin du concert new-yorkais. Dans les années 2000, les bandes du concert de San Juan sont miraculeusement retrouvées. Elles sortiront sous le titre « San Juan 73 », oubliant les enregistrements déjà publiés, parmi lesquels trois titres devenus légendaires : El Ratón de Cheo Feliciano, dont on a déjà parlé. C’est également pendant ce concert que ‘a brillé Héctor Lavoe avec l’hymne Mi Gente. Ce fut enfin la première apparition de Célia Cruz au sein de Fania All-Stars avec le titre Bemba Colora. Ces pistes sont les pépites du live au Yankee Stadium.

Fania vient de ressortir en version remastérisée six albums historiques : Celia Cruz & Johnny Pacheco « Celia & Johnny », Ray Barretto « Indestructible », Willie Colon « Cosa Nuestra », « Fania All Stars Live at Yankee Stadium » vol. 1 et vol. 2, Hector Lavoe « La Voz », Eddie Palmieri « Vamonos Pa’l Monte » (Fania/Wagram Music). En CD ou en vinyl, voilà de quoi remplir la hotte du Père Noël.

Yannick Le Maintec


Discographie

– Fania All-Stars : « Latin-rock-soul » (Fania, 1974) ;
– Fania All-Stars : « Live at Yankee Stadium » vol. 1 & 2 (Fania, 1975) ;
– Fania All-Stars : « San Juan 73 » (Fania, 2010).
– Documentaire : Jerry Masucci presents Salsa (Fania, 1976).

Bibliographie

– Livret de l’album « Latin Rock Soul » (en anglais) sur le site de Fania ;
– Livret de l’album « San Juan 73 » (en anglais) sur le site de Fania ;
– Livret de l’album « Live at Yankee Stadium » (en anglais) vol. 1 / vol.2 sur le site de Fania ;
– La Hora Faniatica « Fania All-Stars Live at Yankee Stadium » (en espagnol) ;
– Juan Ignacio Cortiñas  : « La gran farsa de la Fania All Stars en el Yankee Stadium » (en espagnol) ;
– Latin Music USA. The Salsa Revolution, Chap. 6 : Yankee Stadium, Celia Cruz, and Salsa the Movie (en anglais) ;
– The Book Of Salsa (El Libro de la Salsa) de César Miguel Rondón, chap. 7 « The Boom » pour la version anglaise.

Notes
1 Des chiffres à prendre avec prudence car parfois contestés.
2 Enregistré également : « Mongo Santamaria Live At Yankee Stadium » (1974, Vaya Records)
3 El Ratón vient d’être repris par Diego El Cigala avec Jorge Santana et les musiciens de Fania

Arturo O’Farrill, la conversation continue

L’histoire des O’Farrill, Chico, musicien de légende, et son fils Arturo fut tout sauf un long fleuve tranquille, à l’image des relations entre les USA et Cuba.

arturo-2-550

Arturo « Chico » O’Farrill, né à Cuba en 1921 d’une mère allemande et d’un père irlandais, fut à l’ère du Bebop et du Cubop un des musiciens les plus influents de New-York. Celui qui est généralement considéré comme l’architecte du jazz afro-cubain (plus connu sous le nom de latin-jazz) a travaillé avec les plus grands : Bennie Goodman (qui lui a donné son surnom), Charlie Parker, Count Basie, Dizzie Gillepsie, Machito et Mario Bauza. Ses pièces les plus connues sont les Afro-Cuban Jazz Suite I et II et la Suite Manteca. Il s’éteindra en 2001 sans jamais être retourné sur son île natale. Ce sera bientôt chose faite. Le 29 octobre 2016, les cendres du Maestro seront rapatriées à Cuba. Suivront cérémonie officielle et concert-hommage.

*

L’histoire d’Arturo O’Farrill, son fils, c’est le retour de l’enfant-prodigue (lire notre entretien). Il a grandi entouré de musiciens légendaires mais à l’époque tout ça ne l’intéressait pas. Ça n’est qu’à l’âge adulte que le pianiste est venu à l’afro-cubain. Arturo a orchestré le retour de Chico au milieu des années 90 après une retraite de près de vingt ans, il a dirigé l’Afro-Cuban Jazz Orchestra à la disparition de son père, a repris la résidence du dimanche soir au Birdland et fondé un organisme (Afro Latin Jazz Alliance) pour la conservation et la promotion des musiques afro-cubaines. Compositeur et chef d’orchestre reconnu et récompensé, Arturo O’Farrill est aujourd’hui à la tête d’un des deux plus grands big-bands latin-jazz de New-York.

*

Chico va reposer en paix sur son île natale. Que ce serait-il passé si le 17 décembre 2014 n’avait pas eu lieu ? Ce jour-là à La Havane, vingt-quatre musiciens cubains et états-uniens assistent médusés à l’allocution télévisée de Barack Obama annonçant le rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les USA. Arturo avait rassemblé tous ces musiciens pour un enregistrement au célèbre studio Abdala. Son idée : reprendre la conversation musicale entamée en 1947 entre Dizzie Gillepzie et Chano Pozzo, interrompue par la disparition tragique de ce dernier le 3 décembre 1948. Le dialogue entre jazz américain et rythmes cubains se prolonge dans un double-album exceptionnel qu’Arturo a intitulé « Cuba : The Conversation Continues ». Il y associe ses enfants Zack et Adam, pour que se perpétue la tradition.

Yannick Le Maintec

A LIRE
« Les tambours sont une arme. »
Rencontre avec le pianiste et chef d’orchestre Arturo O’Farrill.


Samedi 8 octobre 2016 : Arturo O’Farrill & Afro latin-jazz Orchestra en concert à Paris au Théâtre De La Ville dans le cadre du week-end Paris / New-York (musique, littérature, poésie, film et rencontres)

Album : Arturo O’Farrill & Afro latin-jazz Orchestra : « Cuba : The Conversation continues » (2015, Motema Music)

Crédit photo (c) Motéma Music

Attention : musique fraîche !

En 2015, Mundo Latino partait à Miami à la rencontre de sa scène musicale foisonnante et de PALO!, son fer de lance. 2016, PALO! débarque en France. Ils emmènent dans leurs bagages un nouvel album. Mundo Latino vous dit pourquoi vous ne devez pas passer à côté de PALO!.

PALO!, c’est une saveur unique, un mélange subtil de Miami Sound distillé par Steve Roitstein, le directeur musical, une base d’Afro-Cubain qui repose sur une section rythmique solide, Philbert Armenteros et Raymer Olalde, une note de saxo apportée par l’éminent Dr Calle, enfin et surtout, la voix incroyable de la fougueuse chanteuse cubaine Leslie Cartaya. PALO! continue à développer le son de leur premier album, This is afrocuban funk!, avec une énergie renouvelée.

pal-monte-550

L’album s’intitule Yo Quiero Guarachar!, qu’on pourrait traduire par Je veux m’amuser, chanter et danser ! La vie est courte, profitons-en, telle est la philosophie de PALO!. L’idée est de prendre la vie de façon positive, un trait de l’esprit cubain que revendique Steve, grand amoureux de la culture cubaine. Ils puisent leur inspiration dans le quotidien des Cubains installés à Miami. Historiettes, humour, cubanité, voilà PALO!

>> A relire : PALO! furieusement funky, définitivement cubain

Steve plaisante en définissant sa musique comme un plat de riz aux haricots noirs à sauce barbecue, très cubain mais avec un beat funky. Le premier titre extrait de l’album, Al Monte, s’est fait remarquer avec plus d’un million de vues sur Facebook (deux à l’heure qu’il est). Yo Quiero Guarachar! se termine par Agua Pa’ Los Santos, une ode aux divinités Yoruba, résultat d’une session-improvisation entre PALO!, le percussionniste Pedrito Martinez, ami d’enfance de Philbert, le chanteur Descemer Bueno et le Maître des percussions Román Díaz.

Le groupe, très bien implanté localement, existe maintenant depuis treize ans. Chacun mène en parallèle sa propre carrière. Steve, producteur à succès dans les années 80, enseigne l’économie de la musique à l’université. Leslie a enregistré plusieurs albums sous son propre nom. Philbert et Raymer ont leur groupe, Sonlokos. Ed Calle est un saxophoniste éminent récompensé aux Grammy. Pas de pression, c’est peut-être ça qui explique la longévité de PALO!. Tout ce qui leur arrive aujourd’hui, les tournées, la reconnaissance tardive, ils voient ça comme un cadeau.

PALO! joue à Paris. C’est une occasion rare de découvrir ce groupe détonnant et étonnant. Ils seront les parrains de Tempo Latino, la référence des festivals de musiques latines en Europe. Ils nous promettent des surprises tout le week-end.

Yannick Le Maintec (@blogmundolatino)

A LIRE ÉGALEMENT
Et les Dieux créèrent PALO!
Mundo Latino à la rencontre de PALO!, la locomotive de la scène latine-fusion de Miami

PALO! en concert mardi 26 juillet 2016 au Sunset-Sunside (Paris), vendredi 29 juillet 2016 au festival Tempo Latino (Vic-Fezensac, Gers)

Nouvel album : « Yo Quiero Guarachar! » (2016, Bismusic) – Spotify, Deezer, iTunes, Amazon, Google Play

One Takes : un jour à La Havane

Accompagnée de Gilles Peterson et de Simbad, la jeune chanteuse cubaine Daymé Arocena a enregistré en un tournemain « One Takes », une pépite entre house et jazz.

Le producteur et DJ Gilles Peterson passait une dizaine de jours à Cuba avec Daymé Arocena, dans le but de tourner un documentaire sur la rumba (à découvrir sur Mundo Latino). Les musiciens de Daymé, une poignée de jeunes surdoués comme seule La Havane sait en produire, étaient libres, les studios Egrem étaient disponible mais ils n’avaient pas de compositions originales. Qu’à cela ne tienne ! Gilles et Simbad ont pioché une demi-douzaine de titres dans leur Panthéon personnel.

>> A lire  : Gilles Peterson : Havana Cultura Rumba Sessions

Simbad, c’est l’alter-ego de Gilles. Il ne tarit pas d’éloges sur lui : « Il vient de la scène dance. Il est DJ, il comprend les musiciens, il sait parler avec eux. » « C’était presque The Simbad Album », plaisante Gilles. Tout a été fait en une prise, « à l’ancienne », précise-t-il. Ils ont mixé à Londres. « Egrem est vraiment très bon pour le son, moins pour la technique. » Le résultat, « One Takes », est le fruit d’un dosage habile entre le savoir-faire de Simbad, le talent de Daymé et tout l’art des musiciens cubains, une démonstration de nu jazz made in Havana.

one-takes

Prenez le Gods of Yoruba de Horace Silver. Le titre démarre avec la contrebasse, le piano frénétique se fait house, la voix envoûtante de Daymé s’efface rapidement pour laisser la place au jazz… trompette, piano, basse, batterie, retour du piano, la chanteuse se lâche.

Sur African Sunshine, d’Eddie Gale (le trompettiste de Sun Râ), le jazz se fait spirituel, Daymé s’y donne corps et âme. EL 456, l’adaptation d’un titre cubain de Los Brito, donne toute sa légèreté qui se prolonge sur un air brésilien, Asking Eyes, méconnu morceau italien.

La pression monte avec le tube club Stuck. « Cette version est énorme ! » s’enthousiasme Gilles. « C’est un morceau de Peven Everett. On a réussi à le booker pour le Worlwide Festival. » Daymé est venue interpréter le titre avec le trop rare Peven à Sète. Avec Stuck, Daymé rejoint le firmament des divas de la soul qui ont prêtées leur voix aux tubes house, Loleatta Holloway, Jocelyne Brown et autres Gwen Mc Crae.

Et parce que le but de leur voyage était de dresser un pont entre dance et rumba, ils enregistrent une rumba improvisée la veille avec le groupe Osain Del Monte. Intelligemment la chanteuse se met en retrait pour permettre aux rumberos de s’exprimer. Comme dans un titre de jazz, on part du thème principal, en l’occurrence Close to You devenu Muy Cerquita de Ti, on s’en éloigne, on improvise, on le tord jusqu’à le rendre méconnaissable pour seulement au dernier moment revenir à la mélodie initiale.

Dans les réponses qu’elle apporte à notre Questionnaire de Proust, Daymé nous confie ce qu’être une chanteuse de jazz signifie pour elle. Citant Nina Simone, elle met en avant l’interprétation, souligne la volonté de se faire porte-parole de la chanson. « One Takes » n’était ne devait être qu’un album de reprises enregistré en une prise. Elle se l’est appropriée, l’a transcendé.

>> A lire : Le Questionnaire de Proust de Daymé Arocena

Yannick Le Maintec

Nouvel album : Daymé Arocena : « One Takes » (2016, Brownswood)

Gilles Peterson : Havana Cultura Rumba Sessions

De son dernier séjour à Cuba, le DJ et producteur DJ Gilles Peterson a tiré son nouvel LP, Havana Cultura Rumba Sessions. La rumba serait-elle miscible dans l’électro ?

Havana Cultura Rumba Sessions

La lune de miel se poursuit entre le DJ Gilles Peterson et le mécène Havana Cultura.
« J’ai une relation assez unique avec Havana Cultura. » a expliqué Gilles à Mundo Latino. « C’est souvent compliqué de travailler avec les marques. Souvent avec les marques, pour moi ça ne marche pas ! Ils sont pressés, ils veulent des résultats tout de suite. Pourtant, c’est important de travailler avec eux parce que le business de la musique n’est plus ce qu’il était dans les années 80 ou 90. Ça permet de financer des projets ambitieux ou plus risqués. Et voilà, je travaille avec eux depuis sept ans, on a produit plusieurs albums ensemble, développé plusieurs artistes… »  Havana Cultura Rumba Sessions est le dernier produit de cette collaboration.

En 2015, ses sponsors demandent à Gilles : « Qu’est-ce que tu veux faire cette année ? » « Ce qui m’intéresserait vraiment de faire à Cuba, ce serait un doc sur la rumba. » Ils lui ont dit : « On y va ! » Le résultat est un documentaire didactique et exhaustif, « La Clave », à découvrir bientôt sur Mundo Latino. Ils lui ont ensuite demandé : « Comment pourrait-on transformer ça en disque ? » Pendant le voyage, Gilles a passé une journée au Studio Egrem à enregistrer les meilleurs musiciens de rumba. Gilles s’est dit : « Ce serait vraiment bien de voir si les DJs peuvent adapter cette musique compliquée pour la jouer au Berghain à Berlin, au Ministry of Sound, ou à la Bellevilloise ! »

La session du dimanche 17 avril de sa résidence Tea Time à la Bellevilloise fut l’occasion pour Gilles Peterson de présenter son projet au public parisien : projection du documentaire, show-case avec la participation de la chanteuse cubaine Daymé Arocena. Gilles a pris du plaisir à jouer ses morceaux. « Habituellement, je n’aime pas ça. Je ne me sens pas légitime ». Le résultat semble avoir dépassé toutes ses espérances. « Tous les DJs, Debruit, Motor City Drum… ont très bien intégré le sujet et compris parfaitement ce que je voulais. » Il avoue : « Je n’étais pas très sûr de pouvoir obtenir un album qui tienne la route -ça n’était pas gagné avec une collection de mixes-. C’est un album qu’on peut jouer du début à la fin et ça fonctionne !  »

J’aime / J’aime pas. « Havana Cultura Rumba Sessions » est un vrai album. Les mélodies sont entêtantes et hypnotiques. On surfe entre les pistes. Les sons et les ambiances capturées à Cuba infusent l’enregistrement. « Havana Cultura Rumba Sessions » n’en reste pas moins un album de musique électronique. Les inconditionnels de la musique acoustique passeront leur chemin.

Ma conclusion. La sixième et dernière partie du documentaire est intitulée Le futur. On y découvre des artistes comme Osain Del Monte qui ont su adapter la rumba au dance-floor. De l’autre côté du Malecón, des groupes comme le Spam All-Stars (lire ici) pratiquent depuis longtemps la fusion des genres. L’intuition de Gilles Peterson, c’est que les clubbers peuvent danser sur la pulsation de la rumba, par essence musique de danse. Des initiatives comme le festival Manana qui s’est déroulé à Santiago de Cuba au printemps dernier montrent que quelque chose est en train de naître aux confluents de la musique électronique et de la musique traditionnelle. « Havana Cultura Rumba Sessions » en constitue un nouvel exemple.

Yannick Le Maintec


Album : Gilles Peterson’s Havana Cultura Band : Havana Cultura Rumba Sessions (Brownswood Records) CD/Vinyl/Digital/Streaming

Rendez-vous : Worldwide Festival organisé par Gilles Peterson du 4 au 10 juillet 2016 à Sète.

L’incroyable histoire du Nitty Gritty Sextet

Voici une histoire tout à fait improbable, celle d’un 33T qui a vu le jour près d’une cinquantaine d’années après son enregistrement : « The Nitty Gritty Sextet ».

nittygrittyvideo-600

East Harlem, 1967. La crème des musiciens latinos rentrent en studio pour enregistrer l’air du temps, le boogaloo, entre soul et mambo, rythm’n’blues et son cubain. Malgré l’intérêt de RCA, la plupart des morceaux ne verront jamais le jour. Seuls deux titres parviendront juqu’à nous, Something New and Nitty Boo Boo, publiés en 2014 sous la forme d’un 45T par le label Rocafort.

L’histoire aurait dû s’arrêter là. En 2015, un collectionneur amateur de métal écume les bacs d’un magasin de charité en Pensylvanie. Il ressort de la boutique avec une pile de vinyls sous le bras parmi lesquels un acétate qui lui a couté 2$50 sans les taxes. Le gars googlise l’étiquette, « The Nitty Gritty Sextet », finit par tomber sur le site de Rocafort et contacte le label. Quand les patrons de Rocafort annoncent à Bobby Marín, qui leur avait proposé les deux premiers titres, qu’on avait retrouvé l’album entier, il n’en revient pas et leur cède les droits.

Do you speak boogaloo ? Grâce aux diggers et aux DJs, le grand public redécouvre ce genre musical qui a connu un succès aussi fulgurant que furtif entre 66 et 69. Chanté en anglais, festif et facile à danser, ce rock’n’roll latino, comme une alternative au noir rythm’n’blues, fut instantanément adopté par tous, latinos, noirs et blancs. Le boogaoo, bugalú ou shing-a-ling… la playlist idéale des surprises-parties.

Qu’est-ce qui rend cet enregistrement si exceptionnel ? Son line-up, constitué de la fine fleur du boogaloo, de la salsa, du latin jazz et du mambo : le producteur Bobby Marín, le vibraphoniste Louie Ramírez, le pianiste Richie Ray, le bassiste Bobby Rodríguez, les chanteurs Jimmy Sabater & Willie Torres et enfin -tenez-vous bien- l’immense chef d’orchestre Tito Puente et le géant du piano Charlie Palmieri. Vous avez dit mythique ?

Mais alors pourquoi ce fameux disque n’est-il pas sorti ? « C’est la grande question qui reste encore actuellement sans réponse. » pour Philippe Rocafort. « L’album devait sortir sur une major de l’époque : RCA. L’hypothèse plausible serait qu’étant donné la courte durée de vie du Boogaloo, le label avait d’autres priorités au moment de sa sortie en 1967 et qu’ensuite, il était trop tard. Mais ce n’est qu’une possibilité… »

The-Nitty-Gritty-Sextet-400

Le « Nitty Gritty Sextet » est desormais un joli 33T avec sa double-pochette cartonnée. Comme souvent dans ce genre de production, le livret est soigné et savant. On y trouvera une retrospective de la musique latine, une indroduction du collectionneur qui a déniché la galette, et la description des titres signée Bobby Marín lui-même. Premières notes, premiers frissons. On se dit qu’on fait partie des premiers à écouter le disque. Ca n’est pas tout à fait faux. Rice and Beans, Dixie’s Mambo, Fun City Hippy, A Fool Like Me, Papel de Bambu sont autant de pépites qui nous replonge dans la délicieuse époque du boogaloo.

Yannick Le Maintec

A LIRE ÉGALEMENT
L’essor de l’empire Salsa et la chute de la maison Boogaloo
par Jonathan Goldman

« The Nitty Gritty Sextet » (CD/Vinyl), 2015, Rocafort Records.


Mundo Latino sur Facebook

Ramón Valle – « Take Off »

Ramón Valle sort l’album « Take-Off » qui marque une nouvelle étape dans la carrière du pianiste.

L’homme n’aime pas beaucoup les étiquettes : ni pianiste cubain de jazz, encore moins pianiste de jazz cubain. S’il s’est installé à Amsterdam il y a plus de dix-huit ans maintenant, c’est pour avoir la possibilité de développer son propre son. « Take Off » dresse le bilan des neufs albums passés. Encouragé par sa productrice Suzi Reynolds et accompagné par le contrebassiste Omar Rodriguez Calvo et le batteur Ernesto Simpson, le pianiste nous offre un nouvel enregistrement studio doublé d’une captation vidéo.

Ramon-Valle-solo-credit-Hans-Speekenbrink-550

Le jazzman se doit de redévelopper les classiques, de Michel Legrand, dont il est un grand fan, à Stevie Wonder, à qui il doit sa coupe de cheveux, en passant par Jérôme Kern. Sa productrice Suzi l’a challengé sur « Hallelujah » de Léonard Cohen. Ramón dédicace le résultat à Santiago Feliú, son mentor disparu en 2014 qui lui a appris à transgresser les règles. Il se glisse dans les habits de ceux qui l’ont inspiré : Steps in the Night (John Coltrane), Trance Dance in the Blue (Horace Silver), Kimbara Pa’Nico (Ñico Saquito). Au final, le pianiste n’est jamais aussi à l’aise que dans ses propres compositions : Principe Emano, le touchant Cinquo Hermanas, ou encore Levitando, sa « signature ».

Ce que j’aime dans « Take Off » Il y a quelques années Mundo Latino avait reçu Ramón dans une maison cossue d’Amsterdam (relire Free Jazz Man). Aujourd’hui, c’est Ramón qui invite son public à partager son univers au travers de petites pastilles qui ponctuent l’enregistrement.

Ce que je n’aime pas dans « Take Off » Le coffret dit de luxe n’est pas si luxueux. La captation en studio est un peu froide, un sentiment accentué par le montage.

Ma conclusion

Kevin Whitehead, critique jazz à la npr, la radio publique états-unienne, a dit de « Take Off » que c’était une claque, malgré un côté un peu guimauve. J’ai failli tomber à la renverse. Ramón Valle est un artiste libre et sensible. « Take Off » est la quintessence de cette liberté et de cette sensibilité. « Take Off » se veut être un accélérateur pour la carrière du pianiste. C’est assurément une belle vitrine. Ramón Valle vient de se produire au Dizzie’s Club Coca-Cola de New York.

Yannick Le Maintec

A LIRE ÉGALEMENT
Free Jazz Man
Mundo Latino est allé à la rencontre avec du pianiste cubain Ramón Valle, chez lui, à Amsterdam.

Ramón Valle – « Take Off » (CD/DVD, 2015 – In+Out)

Encore et toujours Tiempo Libre

Groupe à succès dans les années 2000, Tiempo Libre effectue  son retour avec un album dans l’air du temps. Rencontre à Miami avec Jorge Gomez, pianiste et directeur musical de Tiempo Libre.

Tiempo Libre fut le premier groupe de timba à connaitre le succès en dehors de Cuba. Les Cubains de Miami sont longtemps restés absents des bacs, la sortie de leur dernier LP, « My Secret Radio », remontant à 2011. Depuis Havana D’Primera a soufflé son vent nouveau sur la salsa, Juan Formell, directeur de Los Van Van, s’en est allé, enfin des nouveaux venus comme Timbalive et Mayimbe ont occupé le terrain sur le plan international. Désormais de retour, Tiempo Libre ne cherche pas à affronter la concurrence nouvelle mais à tracer sa propre route.

North Miami. Jorge Gomez, le leader de Tiempo Libre, m’attend devant le Sazón, le restaurant tout en bas de chez lui. Le Sazón, c’est le repère de Jorge. Il fait la bise à tout le monde, reçoit ses amis, gère ses affaires. Jorge Gomez n’a guère changé, à peine quelques rides en plus, quelques cheveux en moins. Le personnage est attachant, toujours à 100 à l’heure, un rire d’adolescent et la banane en permanence. On se raconte un peu devant un repas typiquement cubain. J’interroge le pianiste sur la couleur musicale de son groupe. Il l’attribue à la configuration de la formation (piano, voix, basse, trompette, timbales, conga, sax, trompette) pensée pour pouvoir interpréter différents répertoires, jazz, classique, cubain.

Je veux en savoir plus. Je questionne Jorge sur son parcours, sa formation au conservatoire à La Havane. Ses parents, le pianiste Jorge Goméz Labraña et la musicologue Tamara Martin, enseignaient à Amadeo Roldan mais c’est à l’ENA qu’il fait ses études. C’est là qu’il rencontre les membres de Tiempo Libre. En 2001, il débarque à Miami avec sa maman après plusieurs années passées au Guatemala. S’ils sont passés par d’autres pays, ses camarades ont connu des histoires similaires. Au final, tout Tiempo Libre s’est retrouvé à Miami.

tiempolibre

Qu’ont-ils fait de toutes ces années ? La formation est très impliquée dans l’éducation. Ils vont d’université en université, d’Etat en Etat, donnent conférences et master-classes, jouent avec des ensembles symphoniques. Cette relation avec la musique classique, ils l’entretiennent depuis « Rumba Sinfónica », une collaboration avec le compositeur vénézuélien Ricardo Lorenz. Ils ont enregistré avec le flûtiste James Galway « O’Reilly Street » et ont été invités par le violoniste Joshua Bell. Et puis il y a eu « Bach in Havana ». Pendant longtemps Jorge et son épouse s’amusaient à répéter des airs de Bach en duo piano-congas. Quand Sony Classic a frappé à leur porte, l’idée était toute trouvée.

Jorge me fait visiter son appartement. La vue sur Miami Beach est époustouflante, une idée du rêve américain. On fait des selfies. Jorge me montre fièrement le studio qui occupe son salon. Tout en ajustant les réglages sur sa table de mixage, il me fait écouter les premières notes de l’album alors inédit. Le tumbao  de Jorge est rapide et précis. Les envolées de cuivres me procurent des frissons. Tout a été fait là, me dit-il, en casa. Ses copains musiciens sont passés chez lui, ils ont enregistrés, juste comme ça, pour le plaisir, sans avoir encore de maison de disques.

Après une première trilogie orientée timba, Tiempo Libre boucle un cycle qui semble raconte son histoire : la musique classique dans « Bach in Havana », la pop des années 80 avec « My Secret Radio » et finalement la musique du Miami d’aujourd’hui. Quel sera le prochain projet de Tiempo Libre ?

Yannick Le Maintec


Tiempo Libre Panamericano

Tiempo Libre : « Panamericano »

« Panamericano » se frotte aux genres populaires qui tournent en boucle sur les radios latines : bachata, merengue, salsaton, reggaeton. Ils n’en n’oublient pour autant pas leurs fondamentaux cubains : chacha, danzon, timba. Jorge Gomez réussit à imprimer la marque de Tiempo Libre sur un répertoire mainstream. Pour cela, il s’adjoint la participation d’une kyrielle de chanteurs invités qui font oublier le départ du charismatique Joaquín Díaz. « Panamericano » est inspiré par Miami, la capitale de la Caraïbe, pour Jorge. L’album est desservi par des choix marketing racoleurs qui tranchent avec la classe à laquelle nous avait habitué le groupe. C’est dommage car « Panamericano » est un album très agréable, la bande-son parfaite pour des vacances à Miami.



Panamericano (Universal – 2015)
Jorge Gomez Director musical, piano, coros
Lenadro Gonzalez Congas, bongo, percusiones, coro
Xavier Mili Voz lider, coros
Wilber Rodriguez Bajo
Israel Morales Timbales
Luis Beltran Saxo tenor
Raul Rodriguez Trompeta
Musicos Invitados:
Luis Fernandeo Borjas Voz
Armando Arce Drums
Yunel Cruz Voz
Frankie J Voz
Sergio Chaple Sax
Mr. Haka Voz rap
Descemer Bueno Voz
Fabian Alvarez Flauta
Armando Garcia Coros
Jean Rodriguez Voz
Michel Peraza Voz, guitarra