REGIONALES / VAUCLUSE Interview de la candidate voilée du NPA

La Rédaction du DL - 19 févr. 2010 à 07:04 - Temps de lecture :
Angelique SUREL/ Le Dauphine Libere/ Photopqr. Avignon le 17 fevrier 2010. Portrait d'Ilham MOUSSAID.
Angelique SUREL/ Le Dauphine Libere/ Photopqr. Avignon le 17 fevrier 2010. Portrait d'Ilham MOUSSAID.

Depuis l'annonce de votre candidature, votre vie a-t-elle changé ?

« C'est vrai que je suis sollicitée par de nombreux journalistes, français et internationaux. J'ai quitté mon quartier pendant quelques jours mais maintenant ça s'est calmé. Il y a deux semaines, l'article du "Figaro" a mis ma candidature en avant mais en réalité, cela faisait trois mois que la liste avait été bouclée ! ».

Comment votre famille vit ce déferlement médiatique ?

« Mes parents sont étonnés de l'ampleur médiatique mais ils ne sont pas surpris par mon engagement. J'ai toujours été révoltée et ils sont fiers de moi. Ils me conseillent de me protéger. »

Depuis quand êtes-vous militante du NPA ? Pourquoi cette candidature ?

« Cela fait un an que je suis au NPA et que j'en suis trésorière. Auparavant, j'étais très engagée dans le secteur associatif, notamment à AJC Rev. Je m'implique dans l'accompagnement scolaire, les sorties culturelles ou ludiques pour les enfants dans les quartiers.

"J'ai réalisé que c'est la politique qui fait changer la société"

Je suis aussi mobilisée pour lutter contre toutes les oppressions internationales, d'un peuple sur un autre, par exemple avec le collectif Résistance pour la Palestine. Et dans les manifs, j'ai souvent retrouvé des militants du NPA.

J'ai alors réalisé que c'est la politique qui fait changer la société pas seulement les collectifs associatifs ».

Ne pensez-vous pas, qu?en tant que jeune fille des quartiers, vous êtes instrumentalisée par un parti politique ?

« Pas du tout puisque c'est moi qui aie proposé ma candidature ! Ce n'est pas le NPA qui m'a choisi. Je suis en accord avec les valeurs du parti- l'anticapitalisme, l'internationalisme, la laïcité, le féminisme- pourquoi ne pas les porter ? »

Comment vivez-vous le fait que trois des candidates aient préféré quitter la liste en réaction à votre arrivée ? Les comprenez-vous ?

« Au départ, j'ai essayé de comprendre. Ce sont des militants féministes de longue date. Dans les années 70, elles ont lutté contre le port du foulard.

Mais je pense, moi, qu'il n'y a pas qu'une seule manière d'être féministe. Je suis pour l'égalité entre homme et femme, pour le partage des tâches ménagères, pour que les femmes puissent mener une carrière politique. Pour qu'une femme puisse disposer d'elle-même et de son corps.

Je milite autant que mes autres camarades pour les femmes. C'est aussi une rupture générationnelle entre les anciens du LCR et les nouveaux militants du NPA ».

Vous vous réclamez laïque et féministe tout en portant le voile ?

« Je suis pour la liberté de choix. Le voile, ce n'est qu'une apparence, une tenue vestimentaire. Ce qui compte ce sont les actes et casser les habitudes. Dans mon quartier, je me mélange aux hommes.

"Je ne suis pas opprimée"

Je veux être leur égale. Je dénonce les violences conjugales, je milite pour le droit à la contraception et à l'IVG. Et je ne représente ni l'islam ni les musulmans. Je porte un projet politique.

Quant à la laïcité, elle doit concerner tout le monde. Dans un pays laïc, pourquoi Madame Boutin vient à l'Assemblée nationale avec la Bible ? ».

Pour beaucoup de gens, et dans plusieurs pays, le voile est un symbole d'oppression des femmes...

« Je ne suis pas opprimée. Personne n'est derrière moi pour m'imposer mon foulard. Moi, je ne suis pas voilée, c'est un foulard. C'est ma tenue vestimentaire et je revendique mon choix. Et je suis contre toutes les formes d'oppressions. »

Pourquoi le portez-vous ?

« C'est un choix personnel. »

N'est-ce pas choquant dans le cadre d'une élection. Contraire aux valeurs de la République ?

« Ce n'est pas interdit par la loi. Le problème, c'est qu'on s'arrête à ce que je porte, pas à ce que je dis ».

Vous êtes étudiante ? L'ôtez-vous en cours ?

« Oui parce que c'est dans le règlement intérieur ».

Êtes-vous choquée par les femmes qui portent la burka ?

« Non je ne suis pas choquée à partir du moment où c'est un choix personnel. Mais je ne veux pas entrer dans le débat, auquel le NPA n'a pas participé. Il y a aujourd'hui dans la société des problèmes bien plus graves. »

Êtes-vous favorable à une loi ?

« La loi ne règle pas toujours les choses. Ce sont les mentalités qu'il faut faire évoluer. Mais s'il y a une loi, il faudra la respecter. »

De plus en plus de jeunes filles portent le voile, contrairement à la génération précédente.

« La religion prend aujourd'hui beaucoup de place. Il y a aussi des musulmanes qui ne le portent pas. Comme par exemple mes trois s½urs. Elles n'en sont pas moins musulmanes. Chacun a sa propre interprétation, ses convictions ».

Ne vit-on pas un retour en arrière ? Signe de l'échec de l'intégration ?

« Il faut arrêter de regarder le passé avec les lunettes du présent et se replacer dans le contexte actuel. Il faut accepter la diversité culturelle ».