D'abord, un titre. Un titre magnifique parce qu'il dit tout : Sur la route des hommes sans nom. Pour y répondre, huit grands reportages que Bernard-Henri Lévy a d'abord publiés dans Paris Match. L'objectif de l'écrivain-philosophe ? Non pas raconter ses "aventures", mais raconter pour témoigner, afin de "réinventer une Internationale de la fraternité" qui unirait chrétiens du Nigeria et résistants kurdes, migrants de Lesbos et héritiers du héros Massoud en Afghanistan.
Les habituels grincheux reprocheront à l'auteur de se mettre en scène. Ce procès n'a aucun intérêt : cela fait longtemps que des reporters se sont fait personnages de leurs récits. D'ailleurs, Bernard-Henri Lévy ne prétend pas au rôle de journaliste. Son ambition reste celle d'un intellectuel, pour qui l'essentiel, c'est de penser et donc d'écrire, mais en prenant des risques, idéologiques et, s'il le faut, physiques. En observant sa trajectoire, comment ne pas songer à Malraux ou à Gary ? Et à l'engagement de ces deux combattants de la littérature, d'abord par leurs textes majeurs. Le "Ce que je crois" de Lévy - les 140 premières pages de cet opus - en est un. Car l'écrivain s'explique. Pour de vrai, pour de bon. Sans biais. Cartes sur table.
Célébration des maîtres, Althusser, Lacan, Canguilhem, Foucault, Derrida… Reconnaissance, influences et… désaccords. Leur présence aussi à ses côtés, sur les champs de bataille, dans les ruelles et les casemates des villes martyres. On peut être parfois en désaccord, s'interroger par exemple sur la pertinence de son influence au moment de la guerre de Libye en 2011. Qu'importe."Ce que je crois" prouve une incontestable cohérence. La ligne BHL peut déplaire, voire irriter. On peut la contester. Force est de constater que Lévy s'est peu trompé, qu'il a fait les bons choix, qu'il a porté des causes justes, qu'il s'est toujours méfié des modes et des emballements idéologiques. Ils sont peu, très peu, à pouvoir revendiquer une telle cohérence.
Sur la route des hommes sans nom, Bernard-Henri Lévy, Grasset, 272 pages, 20 euros