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Interview Innovation«Le gaz neutre en CO₂ offre un gros potentiel»

Gilles Verdan, directeur du département Réseau au sein de Gaznat: «un tel système permettra de pallier deux limitations actuelles des énergies renouvelables: le manque de stockage saisonnier et l’intermittence.»

Depuis plus de cinquante ans, la société Gaznat, à Vevey, assure l’approvisionnement et le transport de gaz naturel à haute pression en Suisse occidentale. L’entreprise a inauguré, mercredi à Aigle, l’Innovation Lab. Il s’agit d’un nouveau laboratoire, sur une surface de 650 mètres carrés, destiné à tester au niveau industriel les résultats de recherches académiques. L’un des projets phares vise à développer du gaz de synthèse neutre en CO₂. Une installation nommée Power-to-Gas. Interview de Gilles Verdan, directeur du département Réseau au sein de Gaznat.

Quel est l’intérêt de produire du gaz de synthèse neutre en CO₂?

L’objectif est de décarboner le gaz que l’on transporte, responsable d’émission de CO₂ lors de sa combustion. L’une des voies consiste à produire du biogaz, une énergie renouvelable issue de la fermentation de matières organiques. Ce gaz, considéré comme renouvelable, peut être injecté dans le réseau. Cette production de biogaz est toutefois limitée. Elle représente aujourd’hui environ 7,7% des besoins totaux en gaz en Suisse. L’autre voie pour produire du gaz neutre en CO₂ est celle des installations Power-to-Gas, comme elles sont proposées sur l’Innovation Lab à Aigle.

Comment fonctionne cette nouvelle installation, capable de fournir du gaz de synthèse neutre en CO₂?

La plateforme est équipée de 1219 panneaux photovoltaïques qui produisent annuellement 500 MWh d’électricité. Celle-ci est convertie, grâce à un électrolyseur, en hydrogène. Combiné à une source de CO₂ capté sur des sites industriels en Suisse, le tout est injecté dans un réacteur de méthanation. Ce dernier permet de produire du gaz de synthèse qui a exactement les mêmes caractéristiques que le gaz naturel tout en étant neutre en CO₂. Cette énergie peut être utilisée pour une consommation locale ou être injectée sans restriction dans le réseau de gaz.

Existe-t-il déjà des installations similaires ailleurs en Suisse?

Il existe quelques projets en Suisse alémanique ainsi qu’en Europe. En revanche, il s’agit du premier laboratoire de ce type en Suisse romande.

En quoi votre projet est-il différent des projets déjà existants ailleurs en Suisse?

Nous avons travaillé avec des laboratoires de l’EPFL Valais-Wallis, ainsi qu’avec la start-up GRZ Technologies, spécialisée dans les installations en lien avec l’hydrogène. Le réacteur de méthanation pour la production de méthane de synthèse possède un taux de conversion, en un seul passage, du CO₂ supérieur à 99,5%, un taux qui n’a pas été égalé à ce jour. Il possède également un rendement énergétique global élevé grâce à la récupération de l’énergie thermique dégagée par le processus de conversion. Le projet GreenGas comprend également, en première mondiale, des membranes en graphène à nanopores pour la capture du CO₂. Leurs performances rendront les coûts pour la capture du CO₂ très compétitifs par rapport à des installations classiques actuellement disponibles sur le marché.

À quel horizon pensez-vous injecter du gaz de synthèse neutre en CO₂ dans le réseau de gaz desservi par Gaznat?

Les premières injections de gaz de synthèse ont déjà eu lieu, lors des phases de mise en service et tests de performance. Une production et injection de gaz de synthèse de manière régulière est prévue lorsque tous les tests de performances auront été effectués, soit dès novembre 2023 environ.

Ce type de projet permettra-t-il de diminuer notre dépendance au gaz provenant de l’étranger?

Pour l’instant, il s’agit d’un projet pilote, dont la mise en service a démarré en août 2023. On ne vise, pour l’heure, que des petites quantités de gaz de synthèse. À plus long terme, il y a un gros potentiel. Un tel système permettra de pallier deux limitations actuelles des énergies renouvelables: le manque de stockage saisonnier et l’intermittence. En effet, la production d’électricité renouvelable, issue des barrages, des panneaux photovoltaïques ou de parc éolien, deviendra de plus en plus excédentaire en été et diminue fortement en hiver, alors même que les besoins énergétiques augmentent. Le stockage de cet excédent d’électricité renouvelable produit en été représente donc un enjeu majeur pour parvenir à un mix énergétique décarboné. Grâce au Power-to-Gas, ce surplus pourra être converti en gaz de synthèse neutre en CO₂ et facilement stocké dans des stockages saisonniers.

Qui seront les clients du système Power-to-Gas?

Nous discutons actuellement avec la start-up GRZ Technologies pour définir une stratégie de commercialisation de notre système. Les clients visés seront aussi bien des sociétés électriques, des exploitants de réseaux, des industriels que des sociétés gazières.